Cette mesure hautement polémique, déjà mise en œuvre par son homologue américain, impose un virage radical à la politique extérieure brésilienne.
Quelques semaines avant son accession à la présidence, Jair Bolsonaro promettait de resserrer les liens entre le Brésil et Israël, où il fut baptisé par un pasteur évangélique en 2016. Jeudi 1er novembre, le représentant de l’extrême droite a indiqué qu’il tiendrait parole. Dans un entretien au quotidien Israel Hayom, Jair Bolsonaro se dit prêt à déménager l’ambassade de son pays de Tel-Aviv vers Jérusalem, à l’instar du président des Etats-Unis Donald Trump.
Le militaire de réserve est allé plus loin encore, laissant entendre que le Brésil pourrait fermer la représentation diplomatique palestinienne de Brasília, construite trop près de son propre palais présidentiel. « La Palestine doit d’abord être un pays pour avoir le droit à une ambassade », explique-t-il.
Réputé pour son impulsivité, Jair Bolsonaro impose ainsi un virage radical à la politique extérieure brésilienne, liée aux pays arabes sur les plans diplomatique et commercial. Jeudi, à Brasília, l’ambassadeur de Palestine Ibrahim Alzeben préférait ne voir dans cet entretien qu’une opération de « propagande israélienne ». Mais dans la soirée, Jair Bolsonaro a confirmé sur Facebook qu’il prétendait déplacer l’ambassade de son pays. Benyamin Nétanyahou a félicité son « ami » pour ce pas « historique ».
Liens avec les Evangéliques
« Jair Bolsonaro est un radical, sans aucune idée du monde », commente le politologue et historien, Luiz Felipe de Alencastro. Sa parole « inconséquente », dit l’historien, pourrait mettre en péril tout un pan de l’économie du Brésil, gros exportateur de viande halal vers les pays musulmans. « C’est un grand risque qu’a pris Jair Bolsonaro. Le Brésil a beaucoup à perdre à froisser les pays du Moyen-Orient et peu à gagner vis-à-vis d’Israël », abonde Guilherme Casaroes, professeur de relations internationales à la Fondation Getulio Vargas de Sao Paulo.
Mais l’ancien parachutiste aime Israël depuis toujours et a tissé des liens particuliers avec le premier ministre Benyamin Nétanyahou. Il y a une « alchimie » entre les deux hommes, assure l’ambassadeur israélien à Brasília, Yossi Shelley cité par le quotidien Folha de Sao Paulo, le 30 octobre. M. Nétanyahou fut l’un des premiers à féliciter Jair Bolsonaro après sa victoire et sera invité à la cérémonie d’investiture le 1er janvier.
Cette amitié se comprend dans la perspective des liens entre Jair Bolsonaro et les Evangéliques. Le catholique sait qu’il doit son élection au vote massif des Eglises pentecostales et néopentecostales : il obéit en retour à une revendication de cet électorat pour qui « Israël est aussi la terre promise des chrétiens », explique Lamia Oualalou, auteure de Jesus t’aime, ouvrage de référence sur la déferlante évangélique au Brésil (ed. cerf. 2018). Cette même reconnaissance électorale a été l’une des motivations de Donald Trump, avant le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem.
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La droite israélienne exulte
Mais le capitaine de réserve n’est pas seulement mu par sa foi. Il est aussi motivé par sa haine du Parti des travailleurs (PT, gauche). Se rapprocher d’Israël lui permet de prendre le contrepoint de la politique de Lula et surtout de celle de Dilma Rousseff, émaillée de crises diplomatiques avec l’Etat hébreu. La révérence de Bolsonaro à l’égard d’Israël permet enfin à ce fervent admirateur de la puissance militaire israélienne d’imaginer des échanges commerciaux avec l’Etat hébreu, tout en se rapprochant de l’administration Trump.
En Israël, la droite au pouvoir exulte. Le gouvernement tenait déjà en Donald Trump un président américain aligné sur ses positions comme aucun de ses prédécesseurs. Voici que se profile son exact alter ego en Amérique du Sud, qui lui promet également de voter en sa faveur de façon systématique à l’ONU. Son extrémisme, sa démagogie, son sexisme sont passés sous silence par les responsables israéliens, de la même façon que sont tues les critiques au sujet de la montée de la xénophobie et de l’antisémitisme aux Etats-Unis.
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Ce n’est pas un hasard si Jair Bolsonaro a été interrogé par le quotidien, Israel Hayom, création du magnat américain des casinos Sheldon Adelson, soutien de longue date de Benyamin Nétanyahou. Boaz Bismuth, son directeur avait déjà obtenu plusieurs entretiens exclusifs avec Donald Trump, pendant sa campagne puis à la Maison Blanche.
Source :© Bolsonaro veut transférer l’ambassade brésilienne à Jérusalem