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Bertille Bayart. Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro
CHRONIQUE – Quelle que soit la solution retenue, il y a une limite à ne pas franchir: le budget de l’État ne doit pas être exposé de façon illimitée à l’évolution des prix de l’énergie.
Source:© Bertille Bayart: «Qui paiera la facture de la crise énergétique?»

CHRONIQUE – Quelle que soit la solution retenue, il y a une limite à ne pas franchir: le budget de l’État ne doit pas être exposé de façon illimitée à l’évolution des prix de l’énergie.

Début octobre, le chef de l’État s’adressait aux entreprises confrontées au dilemme de conclure à prix d’or un contrat de fourniture d’électricité pour l’an prochain ou de risquer la panne:«Ne signez pas!»Étrange appel, dont la nouvelle présidente de la Commission de régulation de l’énergie, Emmanuelle Wargon, prenait d’ailleurs le contre-pied au même moment. Signez! leur disait-elle, pour autant que le prix soit cohérent avec celui du marché, si cher soit-il.

Le chef de l’État comptait sur l’adoption rapide de mesures à l’échelle européenne pour faire baisser les prix. Tandis que les entreprises voient approcher l’échéance. Le mois prochain, les fournisseurs d’électricité sont censés connaître leurs besoins pour 2023, et faire en conséquence leurs demandes d’accès au courant des centrales nucléaires mis à disposition à prix fixe par EDF – le fameux Arenh, accès régulé au nucléaire historique.

L’incertitude persiste. Les discussions européennes s’enlisent. Les propositions mises sur la table mardi par la Commission font quasiment l’impasse sur l’extension du mécanisme dit «ibérique» à l’échelle de l’Union. Un système souhaité par la France, qui y voit la bonne solution pour décorréler les prix de l’électricité de ceux du gaz. Paris ne désespère pas encore, mais n’a pas convaincu suffisamment d’États membres, Allemagne en tête. Le conseil des chefs d’État et de gouvernement qui se réunit en fin de semaine ne devrait pas changer la donne.

Risque d’un tsunami de faillites

Alors on fait quoi? L’industrie française attend des réponses, et vite. Ce n’est plus l’Europe qui fait le calendrier, mais le cheminement législatif du budget 2023. Les amendements doivent être déposés la semaine prochaine. Il en a été question lundi soir, à l’Élysée, autour du chef de l’État. L’occasion d’une grande explication intergouvernementale après l’annonce, dimanche soir sur TF1, par Élisabeth Borne d’une rallonge de quinze jours de la ristourne sur les carburants. Bruno Le Maire n’a pas apprécié cette rallonge de 440 millions d’euros à la charge de l’État.

Et pour les entreprises? On fait pareil? On sort encore le chéquier? Le ministre de l’Économie campe sur sa volonté de cibler les aides sur les entreprises qui en ont le plus besoin: celles pour lesquelles l’énergie est un poste de coût significatif, qui sont exposées à la concurrence internationale, et qui n’arrivent pas à passer le surcoût sur les prix facturés à leurs clients. La plupart des grandes entreprises sont couvertes pour l’année 2023, les plus petites, dans le secteur des services, font passer des hausses de prix. Vu de Bercy, la situation ne justifie pas de créer un bouclier de plus.

Mais les fédérations patronales alertent contre le risque d’un tsunami de faillites et d’un effondrement systémique de l’industrie. Et réclament un plafonnement des prix de l’énergie. Une partie du gouvernement embraie. Le ministère de la Transition énergétique appuie l’attribution de la recette prélevée sur les rentes inframarginales des énergéticiens à la création d’un volume d’électricité subventionnée. Une sorte «d’Arenh bis», dit un proche du dossier.

Le débat n’est pas technique. Il porte sur le partage de la facture de la crise énergétique, évaluée au total à 75 milliards d’euros, soit 3 points de PIB. À ce stade, l’État en prend en charge 55 %, les ménages 5 % et les entreprises 40 %. Un bouclier tarifaire pour toutes les entreprises déplacerait le curseur vers un autre quoi qu’il en coûte…

La crise d’aujourd’hui ne doit pas conduire à créer une boucle indissociable entre les finances publiques et la facture énergétique

Dans le JDD, Laurent Wauquiez a appelé Emmanuel Macron à faire pour l’industrie ce que «Nicolas Sarkozy avait fait en 2008 pour les banques», et à mettre en place un bouclier tarifaire immédiat. La crise énergétique est cependant différente de celle de 2008. Contrairement aux aides d’État (crédit et capital) apportées aux banques à l’époque, il n’y a cette fois aucune possibilité d’être remboursé un jour. Combien coûterait un bouclier? Entre 13 et 25 milliards d’euros, aides aux collectivités comprises, selon les estimations de Bercy.

L’évolution des cours est impossible à prévoir. La dégringolade récente des prix du gaz n’est peut-être que le prélude à une nouvelle tempête. Quelle que soit la solution retenue, il y a une limite à ne pas franchir: le budget de l’État ne doit pas être exposé de façon illimitée à l’évolution des prix de l’énergie. Outre-Manche, Liz Truss avait commis – entre autres! – cette erreur en annonçant un plafonnement des prix pendant deux ans. La période a été ramenée lundi à six mois seulement. Un État ne peut pas, comme on dit dans les salles de marché, garder un risque ouvert. Surtout quand il est en position fragile sur les marchés de la dette. Le parallèle avec la crise de 2008, qui a dégénéré en crise souveraine, est de ce point de vue pertinent. Les marchés avaient paniqué face à l’apparition d’une boucle liant risque bancaire et risque souverain. La crise d’aujourd’hui ne doit pas conduire à créer une boucle indissociable entre les finances publiques et la facture énergétique.

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