L’ancienne star danoise des années 1970 et 1980 n’a pas su se réinventer face à la concurrence asiatique.
Source: ©Bang & Olufsen, le roi de la hi-fi de luxe, se bat pour sa survie
À Copenhague
Bang&Olufsen fêtera-t-il son centième anniversaire, en 2025? Ce n’est pas certain. Il est loin, le temps où les produits audio et TV de la marque danoise étaient des objets d’exception figurant dans les salons des riches foyers, les séries télé américaines et même exposés au Musée d’Art moderne de New York.
Jeudi, lors de l’assemblée générale, le groupe, dont les ventes se sont effondrées pendant le confinement, a assuré «entrevoir des signes positifs de reprise et un début de normalisation de la situation». Mais ses résultats de l’exercice clos fin mai sont inquiétants: le chiffre d’affaires a chuté de 29 % à 271 millions d’euros, et le groupe affiche une perte de 77,3 millions. Inquiets, les salariés ont accepté une baisse de 20 % de leur salaire en juin, juillet et août, comme les dirigeants. En juin, les effectifs du groupe sont passés sous les 900, alors qu’ils étaient de 3200 à la fin des années 1980.
Le siège majestueux construit près de Struer (nord-ouest du pays) à la fin des années 1990 ressemble à un vaisseau fantôme. Déserté depuis le printemps 2019 pour des locaux plus modestes dans la banlieue de Copenhague, il ne trouve pas preneur. En juillet, en présentant les résultats, le PDG suédois Kristian Teär, arrivé en octobre, se voulait «optimiste». «Bien sûr, c’est une période difficile, expliquait-il. Mais nous avons une excellente équipe et de très bons produits. Nous allons passer au travers de cette crise.»
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B&O prévoit deux scénarios pour l’exercice en cours: celui où la pandémie évolue négativement, entraînant une chute de 20 % des ventes, à 215 millions d’euros, et celui où le chiffre d’affaires augmente à 322 millions d’euros. «L’augmentation de capital que nous avons effectuée début juin (47,8 millions d’euros) nous a permis d’obtenir suffisamment de liquidités pour traverser cette crise», ajoute le dirigeant.
L’état de crise est chronique chez B&O. Depuis la récession de 2008, qui a mis à genoux le groupe, cinq PDG se sont succédé sans parvenir à remettre à flot la Rolls des enceintes stéréo et de la télévision hi-fi. Sur les douze derniers exercices, huit ont été en déficit, dont une perte de 107,8 millions d’euros en 2015. Au bord de la faillite malgré l’augmentation de capital de 2014, B&O a alors été sauvé par la vente, le 31 mars 2015, de sa division Automotive (équipements audio pour Audi, Aston Martin, BMW et Mercedes-Benz). Une pépite cédée à l’américain Harman 45 millions d’euros, avec une redevance annuelle de 1,7 million pendant vingt ans pour l’utilisation de la marque Bang & Olufsen et de sa technologie (B&O Play stereo). Le groupe a aussi cédé sa participation minoritaire dans la société pharmaceutique Medicom.
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En 2016, il s’est associé au sud-coréen LG et a délocalisé sa production TV en Tchéquie. En se recentrant sur l’électronique grand public et en cherchant des partenaires, B&O espérait sortir la tête de l’eau. Cela n’a pas suffi. Ses produits au design épuré restent très chers. Son produit phare, Beovision Eclipse, embarquant une dalle LG Display, coûte de 12 000 à 14 000 euros selon les modèles, soit cinq fois plus que ses rivaux asiatiques.
Innovations tardives
B&0 s’est-il endormi sur ses lauriers? Créé en 1925 par deux copains ingénieurs passionnés de radio, Peter Bang et Svend Olufsen, dans un grenier, à Quistrup, près de Struer, B&O était devenu un joyau de l’électronique haut de gamme, au design novateur, suscitant dans les années 1970 et 1980 le même attrait qu’Apple aujourd’hui. Mais le danois a été pris de vitesse avec l’arrivéedu numérique dans les années 1990.Il n’a cessé de perdre du terrain avec ses innovations tardives face à des concurrents rivalisant sur le plan de l’esthétique des produits, à des prix nettement plus bas.
Le groupe mise aujourd’hui sur six grands marchés en Europe (Danemark, France, Allemagne, Espagne, Suisse et Royaume-Uni), sur la Chine et la Corée du Sud. Il prévoit de lancer ou mettre à jour plus de 10 produits et de nouer de nouveaux partenariats, comme avec Microsoft. B&O entre dans l’industrie du jeu et va fournir la partie sonore de la nouvelle Xbox, qui sera présentée à la fin de l’année.
Per Hansen, économiste à Nordnet, estime, dans son blog, que «le lancement de nouveaux produits peut sauver l’entreprise. Les prochains six mois seront cruciaux pour B&O qui joue sa survie en tant que société indépendante». Les salariés de B&0 se demandent, eux, si la nouvelle stratégie suffira à sauver l’un des fleurons du royaume.