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De gauche à droite: Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme ; Alexandre Loubet, député RN de Moselle ; Thomas Ménagé, député RN du Loiret. Sébastien SORIANO/Le Figaro

RÉCIT – Plus «marinistes» que Marine Le Pen à les écouter, ces jeunes élus cultivent pourtant une divergence de fond avec leur nouvelle patronne.

Ils sont partout. Dans les matinales radio. Sur les plateaux de chaînes d’information en continu. Sur les réseaux sociaux, où leurs premières prestations dans l’Hémicycle sont frénétiquement relayées. Jusqu’à nourrir, salle des Quatre Colonnes, les discussions de députés d’un bord politique à l’autre. Depuis l’entrée retentissante de 89 députés Rassemblement national au Palais Bourbon, un petit groupe, parmi eux, se distingue. Au point d’ombrager les autres, encore occupés à y trouver leurs marques.

 

On a rejoint la machine RN avec notre capacité à improviser et à faire avancer les dossiers

Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme

 

Candidat malheureux au poste de président de la commission des finances, Jean-Philippe Tanguy rythme les premières heures de la législature et devient le symbole des nouvelles prétentions institutionnelles de Marine Le Pen. En réponse à la motion de censure initiée par les députés de la Nupes contre le gouvernement d’Élisabeth Borne, Alexandre Loubet livre un premier discours de quinze minutes, salué en privé par des élus LR, de l’UDI comme de La République en marche. Thomas Ménagé, référent du RN au sein de la commission des lois, pilote quant à lui le vote des amendements contre le projet de loi sanitaire. Et contribue à mettre en minorité, pour la première fois, la majorité présidentielle. La mandature n’a débuté que depuis deux semaines.

Tous trentenaires, élus députés pour la première fois, le trio a en commun d’avoir fait ses classes aux côtés de Nicolas Dupont-Aignan, le patron de Debout la France!. «C’était la meilleure école politique qui soit. Nous étions en mode commando tout le temps, sinon on disparaissait», livre l’ancien attaché de presse du souverainiste, Alexandre Loubet.

Élu député de Moselle en juin, il vient d’être bombardé vice-président du groupe RN à l’Assemblée nationale. Son acolyte, Thomas Ménagé, vient, lui, d’en être nommé porte-parole. Élu dans le Loiret, l’ancien directeur de cabinet de Dupont-Aignan s’est vu proposer le poste par Marine Le Pen à la buvette de l’Assemblée. Quelques heures après un passage à la matinale de France 2 remarqué par elle.

Plus encore, c’est la promotion de leur aîné, Jean-Philippe Tanguy, qui a pu estomaquer au RN. À 36 ans, celui qui a été dix ans durant le bras droit du patron de Debout la France! vient d’être adoubé second de Marine Le Pen, à la tête du premier groupe d’opposition dans l’Hémicycle, avec le titre de «président délégué».

Une nomination à la barbe des historiques du parti comme de députés nationalistes plus expérimentés. «Vous vouliez mettre qui d’autre? C’est juste le meilleur», défend la députée RN du Pas-de-Calais, Caroline Parmentier.

De fait, moins de deux ans après avoir collectivement claqué la porte de leur parti souverainiste pour soutenir la candidature présidentielle de Marine Le Pen, les ex-DLF ont rapidement su se rendre précieux. Pour ne pas dire indispensables, auprès d’elle. Appartenant à une sociologie jusque-là rare dans les rangs du RN: ils sont jeunes, ont parfois grenouillé dans les directions de grandes entreprises, sont diplômés de Sciences Po ou des meilleures écoles de commerce. Sur les bancs desquels ils ont cultivé quelques amitiés, dont nombre d’actuels collaborateurs d’élus de la majorité. Des camarades de promo qui n’hésitent pas à leur glisser, sous le manteau et en avant-première, les éléments de langage de leurs députés. Sur les «Uber Files», notamment…

L’éternel point faible

Gaullistes revendiqués, ils ne charrient aucun passé trouble susceptible de mettre à mal l’entreprise de dédiabolisation du RN. Ils n’appartiennent pas davantage à un clan, contrairement aux anciens qui s’accusent encore d’avoir trahi pour le «félon» Bruno Mégret il y a vingt-cinq ans. Ou aux plus jeunes, régulièrement soupçonnés d’accointances passées avec Marion Maréchal. «Notre chance, c’est de ne pas entrer dans les vieilles histoires du Front national. On ne s’en mêle pas», abonde Thomas Ménagé.

Dans un parti où les ressources humaines sont l’éternel point faible, ils constituent des cadres opérationnels dotés d’une solide expérience politique comme des institutions. «On vient d’une petite PME où on était habitué à travailler avec trois bouts de ficelles, résume Jean-Philippe Tanguy, croix de Lorraine toujours épinglée à la veste. On a rejoint la machine RN avec notre capacité à improviser et à faire avancer les dossiers.» À les capter, aussi…

Le 28 août 2021, la course élyséenne n’en est qu’à ses prémices. Lors d’une première réunion de campagne, Marine Le Pen confie à Jean-Philippe Tanguy le poste de directeur adjoint de campagne «à la propagande écrite». Alexandre Loubet, lui, se retrouve attaché de presse d’une vieille connaissance, Jordan Bardella. De bien prestigieux costumes pour de nouveaux venus au sein du parti à la flamme. Mais que les deux intéressés ne vont cesser de repriser aux épaules durant toute la campagne présidentielle. Pour les faire gagner en amplitude. Et imprimer leur marque, sans trop en avoir l’air.

«Au mois de septembre, la campagne pataugeait dans tous les sens, se souvient un membre de l’équipe de campagne. Chacun donnait sa petite idée sans jamais assurer de suivi. Tout était prétexte à ne rien faire…» Les deux compères y voient là une opportunité. Bien que très éloigné de ses prérogatives de départ, Jean-Philippe Tanguy reprend en main, dès le mois d’octobre, la préparation des déplacements de la candidate après un fiasco en Isère.

Durant ce même mois, lors d’une réunion avec les Horaces – ce groupe de hauts fonctionnaires conseillant Marine Le Pen – où la candidate commande de se concentrer sur la thématique du pouvoir d’achat, le trentenaire lance un ballon d’essai: Pourquoi ne pas proposer de baisser la TVA sur le gaz, l’essence et l’électricité à 5,5 %, comme des biens de première nécessité? La mesure deviendra la proposition phare de la candidate durant toute la présidentielle. Jusqu’à devenir un amendement au projet de loi pour le pouvoir d’achat, actuellement en discussion.

D’attaché de presse, Alexandre Loubet, ajoute progressivement à son escarcelle les réseaux sociaux puis la direction de la communication numérique avant de finir par prendre en main la direction de la communication tout court… Non sans subir les assauts d’autres impétrants, à commencer par la sœur aînée de Marine Le Pen, Marie-Caroline Olivier.

En même temps que leurs charges, grandit leur influence. La tentative de mue gaulliste de Marine Le Pen, lors de son discours de Bayeux en novembre 2021, porte leur marque. Le recentrage du discours de la candidate sur les classes moyennes et non plus sur les seules classes populaires, aussi.

Dans les rangs des ex-DLF, on dément toute boulimie de responsabilités ou volonté d’entrisme. «Il y avait tellement de trucs à faire, les autres étaient soit trop verts, soit trop occupés, soit n’en avaient pas envie», se défend Jean-Philippe Tanguy. Reste qu’en interne, l’ascension fulgurante des jeunes trentenaires ne passe pas inaperçue. «On a racheté à prix d’or les mecs de Debout la France! pour qu’ils finissent par coloniser l’appareil et l’équipe de campagne avec virulence», s’alarme alors un membre de la direction du RN, aujourd’hui parti pour le parti d’Éric Zemmour, Reconquête!.

Une divergence de fond

Par jalousie, un eurodéputé RN, toujours en poste, ira jusqu’à griller une source au ministère de l’Intérieur d’un ex-DLF. Quand d’autres élus, d’Hénin-Beaumont notamment, passeront la campagne présidentielle à en critiquer la stratégie, jusqu’à prophétiser la défaite de tous les candidats RN aux législatives hormis Marine Le Pen… «Forcément, on peut parfois créer des jalousies chez des anciens du RN qui n’ont pas eu la chance d’être élus», euphémise Thomas Ménagé.

Après le succès historique du RN lors du scrutin de juin, le contexte est davantage à l’euphorie qu’au règlement de comptes. Ce qui n’empêche pas quelques cadres de patienter, couchés, ces jeunes ambitieux venus de Debout la France! au bout du viseur: «Ils signent une ascension un peu express, c’est vrai. Mais il faut rester très calme là-dessus. Parce qu’en politique, ceux qui montent vite tombent en flèche», étrille ainsi un parlementaire RN.

Plus «marinistes» que Marine Le Pen à les écouter, les anciens lieutenants de Dupont-Aignan cultivent pourtant une divergence de fond, comme de dessein politique, avec leur nouvelle patronne: leur ambition première reste, à terme, de remplacer la droite. Quand la candidate malheureuse à l’Élysée rejette en bloc ce terme, refusant invariablement de se définir «ni de droite, ni de gauche»«Dans le fond, c’est Marine qui a raison. Mais faire 50 % des voix, c’est énorme. Ça peut justifier que deux courants, deux stratégies, se complètent et se sédimentent, justifie prudent Jean-Philippe Tanguy. La question à 1 million d’euros, c’est comment faire pour qu’il y ait une nuance gaulliste souverainiste au sein du RN qui a toujours été d’un bloc?»

Avenir français, son microparti rattaché au RN, compte désormais 6 députés, 12 conseillers régionaux et près d’un millier d’adhérents parmi lesquels les élus RN piochent volontiers leurs futurs collaborateurs parlementaires…

Au-delà du sort funeste qu’a toujours réservé le Front, devenu Rassemblement national, à ses «courants», en revendiquer un sous l’égide du général de Gaulle n’est pas la plus modeste des ambitions dans ce parti qui s’est historiquement forgé en opposition farouche à lui. Antigaulliste assumé et probable candidat à la présidence du RN à l’automne, le maire de Perpignan Louis Aliot élude: «Ils pourraient avoir pour modèle Edgar Faure, tant qu’ils partagent notre ligne, nos combats et sont derrière Marine, moi ça me va.»

«Rescapé» de la nouvelle assemblée, selon ses propres termes, Nicolas Dupont-Aignan observe dans un sourire depuis l’Hémicycle ses anciens protégés percer: «Je suis ravi que le RN se dédiabolise et que des gens de chez moi s’y emploient. Je préfère qu’il y ait des gens comme eux aux premiers postes du RN que d’autres qui n’ont pas ma ligne. Ils préfigurent cette large coalition nécessaire pour gagner au second tour la prochaine fois.» Les départs ne sont pas toujours synonymes d’adieux.

1 Comment

  • Anonyme
    Posted juillet 19, 2022 23h01 0Likes

    oui Cher Richard obligé de le constater le trio….jeune génération… voir plus ont gagnés du terrain considérablement…un espoir, un renouveau attendu….des voix qui s’expriment forts….attendons patiemment la rentrée!!!!
    Léa

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