FIGAROVOX/TRIBUNE – Arnaud Benedetti décrypte le départ de Valérie Pécresse des Républicains et s’interroge sur la ligne politique qu’elle entend incarner.
Arnaud Benedetti est professeur associé à l’Université Paris-Sorbonne. Il est rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire. Il a publié Le coup de com’ permanent (éd. du Cerf) dans lequel il détaille les stratégies de communication d’Emmanuel Macron.
L’adieu aux républicains de Valérie Pecresse est l’énième épisode de la lente anomie de la droite française. Celle-ci a commencé sans doute voici longtemps, dès que le Front National à l’aube des années Mitterrand a introduit une brisure dans le bloc gaullo-liberal qui depuis les années 1960 structurait le camp conservateur. De rémissions en rémissions, avec l’élection de Chirac en 1995 et 2002, de Sarkozy en 2007, le processus s’est néanmoins poursuivi, découplage continu entre une base électorale qui se droitisait et un encadrement partisan qui s’acculturait à un libéralisme sociétal , empreint de «politiquement correct».
La démission de la Présidente de la région Île-de-France a au moins la cohérence de ce temps relativement long de la vie politique. Elle constitue une étape supplémentaire de la désagrégation partisane des héritiers du RPR et de l’UDF, mais surtout de la désaffiliation d’une partie des leaders de droite avec la France des classes populaires. Le contretemps apparent de ce départ pose problème sans doute en matière de communication politique.
Pecresse opte à sa façon pour une démarche similaire mais cette fois en opposition au néosouverainisme du Rassemblement national.
Après tout, le retrait de Laurent Wauquiez soldait tout ce que combattait Madame Pecresse. Cette dernière, après s’être montrée aux côtés de Gérard Larcher annonçant son opération des conventions territoriale , prend le risque d’une illisibilité teintée d’un soupçon d’opportunisme. Elle a au moins sa logique politique pour elle. Celle-ci est triple: électorale dans une région où les places fortes du vote républicain sont prises d’assaut par les bataillons macronistes ; idéologique avec un corpus qui de facto appartient à une droite orléaniste qui ne se retrouve plus dans la «vieille maison» héritière du gaullisme et dont l’UMP avait gommé artificiellement la sensibilité au profit d’une synthèse, cote mal taillée populo-libérale que Sarkozy, homme fort, s’était efforcé d’incarner ; tactique enfin dans le but de se façonner sur la distance une position de recours entre une droite républicaine convulsée par ses échecs et des marcheurs parfois ivres de l’illusion de leur «non-défaite». La porte est étroite néanmoins, laissant peu de places dans un marché fortement compétitif. Parce qu’en politique, la concurrence exige aussi la stratégie de la plus grande différenciation par rapport à l’offre dominante. Wauquiez avait fait ce choix en s’opposant frontalement à la majorité. Pecresse opte à sa façon pour une démarche similaire mais cette fois en opposition au néo-souverainisme du Rassemblement national. À front renversé de l’ancien Président des Républicains, l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy s’extrait de l’appareil en flammes, certes, mais se distinguant du conservatisme et du populisme, elle se confond étrangement avec la couleur bleu pâle du macronisme. Les électeurs, à droite ou au centre, ne préfèreront-ils toujours pas l’original à la copie? «Il n’y a plus d’après à Saint-Germain des prés», chantait Greco. Madame Pecresse rêve sans doute d’un après au macronisme mais on ne lit pas à ce stade l’alternative qu’elle serait en mesure de proposer. La limite de son pari, en quelque sorte…
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Source:© Arnaud Benedetti : «Valérie Pécresse ou comment s’opposer à Macron en faisant du Macron»