TRIBUNE – Le philosophe et écrivain * voit dans la cérémonie des César du 28 février un inquiétant phénomène de meute alliant parade de vertu et goût de la force.
La 45e édition des César a battu tous les records de férocité et de laideur. D’entrée de jeu, ironisé sans vergogne sur le physique de Roman Polanski. Elle l’a rebaptisé Atchoum, du nom de l’un des Sept Nains. Et ivre de colère hilare contre ses douze nominations, elle a fait de J’accuse un film sur la pédophilie dans les années 1970. Le rire barbare ayant définitivement pris le pas sur l’humour, l’assistance pomponnée gloussait et le ministre de la Culture, devenu le ministre de la bien-pensance et du lynchage compassionnel, se réjouissait en silence.À lire aussi : Alexandre Devecchio: «César, le cinéma victime de la tyrannie des minorités»
L’actrice Aïssa Maïga a compté le nombre de Noirs dans la salle. «À Cannes, on bloque les comptes et on compte les Bloch», disait Tristan Bernard au début de l’Occupation. Sous le régime de la diversité, ce sont les antiracistes qui font l’inventaire. On appelle cela le devoir de mémoire.
Découvrant, horrifié, que le César de la meilleure adaptation était décerné à Roman Polanski et Robert Harris, l’acteur Jean-Pierre Darroussin a choisi d’oublier une syllabe dans le nom du premier pour bien montrer qu’il lui écorchait la gueule. Ne supportant pas, pour sa part, que le César du meilleur réalisateur soit attribué au même Polanski, Adèle Haenel, qui ne le connaît pas, qui ne l’a jamais rencontré, a quitté la salle en signe de protestation.Les professionnels du cinéma ayant mal voté, l’Académie des César promet de faire mieux la prochaine fois.
Elle a été suivie, entre autres, par la «bienveillante» Leïla Slimani. Ne dites surtout pas à cette actrice et à cette romancière que Samantha Geimer, la femme dont elles invoquent le calvaire pour réclamer justice, est aujourd’hui le premier soutien de Polanski et qu’elle refuse violemment d’être statufiée en victime ; ne leur rappelez pas non plus qu’il est un rescapé de la Shoah, que sa première femme est morte dans des conditions atroces – Polanski est passé, pour elles, dans le camp des salauds, des bourreaux, des criminels contre l’humanité.
«Plus jamais ça», cela veut dire désormais «plus jamais lui et ses ignobles congénères». L’individu disparaît sous le symbole de l’oppression «hétéro-patriarcale».
«Quand vous généralisez la souffrance, vous avez le communisme. Quand vous particularisez la souffrance, vous avez la littérature», a écrit Philip Roth. Le communisme n’est plus d’actualité, mais l’idéologie ne désarmant jamais, le néoféminisme a pris la relève. Et comme on l’a constaté vendredi soir Salle Pleyel, il a de nombreux compagnons de route, fervents ou veules. Ladj Ly, à leur grand soulagement, a reçu le César du meilleur film pour Les Misérables. Récompense amplement méritée. Mais peu importe à ces moralisateurs qui refusent de séparer l’homme et l’artiste qu’il ait été condamné à trois ans de prison dont un avec sursis pour complicité d’enlèvement et de séquestration d’un homme qui avait eu la mauvaise idée de coucher avec la sœur d’un de ses proches. C’est «la France rance», comme dit Télérama, qui s’en émeut. Et pour la France qui se veut accueillante et progressiste, la domination ne peut avoir qu’un visage: celui du mâle blanc occidental et…Cette soirée placée sous le signe de la libération des femmes, ressemblait furieusement à une vidéo d’Alain Soral
Dressant la liste des prédateurs dansle monde du cinéma, la maîtresse de cérémonie a cru bon d’ajouter le nom de Dominique Strauss-Kahn à ceux d’Harvey Weinstein, de Jeffrey Epstein et de Roman Polanski, et de faire une référence indirecte mais insistante à Patrick Bruel. Quand Polanski a été distingué, elle a quitté la scène, «écœurée». Tout aussi écœurées, deux militantes qui se présentent comme Les Terriennes ont tweeté: «celui qui doit être gazé, c’est Polanski». Cette soirée placée sous le signe de la libération des femmes, ressemblait furieusement à une vidéo d’Alain Soral.
Les professionnels du cinéma ayant mal voté, l’Académie des César promet de faire mieux la prochaine fois. Elle dissoudra donc le collège électoral et en composera un autre, mieux ajusté à la sensibilité des jeunes générations. Bienvenue dans le nouveau monde!
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Source: ©Alain Finkielkraut: «L’effroyable soirée des César»