CHRONIQUE – L’État islamique poursuit un processus inédit dans l’histoire du terrorisme en employant une gamme de moyens et d’acteurs très étendue. Pour le spécialiste en criminologie , il faut rapidemenent nous adapter à l’exceptionnelle capacité de mutation de cette entité.
Poursuivant un processus sans doute unique dans l’histoire du terrorisme, l’État islamique (et, de manière moins sophistiquée, ce qui reste de ce qu’on croit devoir appeler génériquement al-Qaida) a développé un processus de terreur marqué par la diversité.
Alors que la «signature» terroriste nécessitait des agents et des modes opératoires clairement identifiés, l’EI joue de toute la gamme des auteurs («lions», envoyés spéciaux depuis le siège du califat, désormais essentiellement mobilisés pour défendre ce qui reste de son territoire ; soldats, sous-traitants en mission ; lumpenterroristes, indépendants plus ou moins ubérisés ; inconnus se réclamant de l’organisation qui les découvre en même temps que le reste du monde) et des moyens d’action, du plus artisanal au plus sophistiqué.
La gamme a continué de s’élargir avec des attentats alliant désormais le nombre des agents et l’absence de moyens. Avant Barcelone, on avait connu Paris (groupes massifs, moyens lourds, armes de guerre) ou Nice (agent isolé, peu ou pas connecté au QG de l’EI, moyens artisanaux). Barcelone vient d’être victime de la diversité des dispositifs (incluant sans doute une bombe ayant éliminé son artificier, des camionnettes, des ceintures d’explosifs factices, des armes…).
Si l’État islamique est en perdition territoriale, et malgré une exceptionnelle résistance, il reste en capacité de déclencher au Sahel comme en Occident, en Asie du Sud-Est comme en Iran, des attaques localisées, en général de faible intensité, mais toujours aux répercussions médiatiques énormes.
Ce qui compte est l’exceptionnelle capacité de mutation, la diversité des opérateurs et des moyens, l’apparition de nouveaux avatars de l’EI, la résurrection de ses soutiens sur des territoires partiellement libérés avant d’être de nouveau grignotés.
Pour les États et les services publics, on est effectivement passé d’une logique de prévention situationnelle et de sanctuarisation des territoires vers l’apparition d’espaces indéfendables tant le besoin d’interconnexion et de fluidité des sociétés modernes a contrecarré les obligations de sûreté et de sécurité.
Ayant oublié les bases fondamentales de la protection des personnes avant celle des biens, nous payons au prix fort les mêmes erreurs, qu’il s’agisse des inondations sur des espaces rendus constructibles par la folie immobilière et des attentats sur des espaces publics ou l’on a savamment déconstruit ce qui en justifiait historiquement l’existence: la sécurité des populations.
Si l’essentiel de l’action antiterroriste est de nature invisible et nécessite de forts investissements dans le renseignement opérationnel (surtout humain), qui semble donner de biens meilleurs résultats préventifs depuis quelques mois, il est aussi largement temps de repenser non seulement la protection des sites, mais surtout celle des flux.
Et les Jeux de 2024 en France, à Paris, devraient servir à enfin revoir les aménagements urbains pour vivre, aller et venir, se promener, en sûreté et en sécurité.
Le connu alors traité, on pourra aussi se concentrer sur les évolutions attendues mais sous-estimées: cyberattaques et surtout objets (et notamment véhicules) connectés…