En France, 15% des suffrages suffisent à rafler tous les pouvoirs. Une fois que le monarque républicain a reçu l’onction, il n’y a plus d’espace pour qui que ce soit d’autre.
Descartes peut se retourner dans sa tombe. Et De Gaulle jubiler. Car en France 15=100. Avec 15% des voix des Français, Emmanuel Macron va disposer de 100% des pouvoirs. On peut s’en réjouir, considérer que c’est un mal nécessaire ou juger cela intolérable. Mais il faut au moins être conscient du phénomène. Avec un FN fort, il n’y a qu’un seul scrutin à remporter: le 1er tour de l’élection présidentielle.
Emmanuel Macron l’a remporté avec 24% des votants. Ce qui représente 18% des électeurs inscrits sur les listes électorales. Et si l’on prend en compte les 9 millions de personnes non-inscrites ou mal-inscrites, ce chiffre tombe à 15%. Aujourd’hui, en France, 15% des suffrages suffisent à rafler tous les pouvoirs.
Car, face au FN, Emmanuel Macron ne pouvait que remporter l’élection présidentielle. Et qui remporte l’élection présidentielle ne peut que remporter les législatives. C’est la logique de la Vème République, implacable, un effet dominos, un enchaînement qui s’impose comme un rouleau compresseur.
Après la victoire du candidat d’En Marche! certains avaient prédit la balkanisation de l’Assemblée nationale, craint la “chambre introuvable”. C’est l’élection qui l’a été. Comme la guerre de Troie de Jean Giraudoux, la législative 2017 n’a pas eu lieu. La préséance de l’élection présidentielle l’interdisait.
Notre système institutionnel sélectionne l’offre politique correspondant à l’idéologie dominante de l’élite.
Une fois le nouveau monarque républicain désigné, deux phénomènes prévalent sur tous les autres. Le premier, c’est son omniprésence dans les esprits, qui se traduit par une omniprésence dans les médias. Une fois que le roi a reçu l’onction, il n’y a plus d’espace pour qui que ce soit d’autre. Son irradiation est solaire. Il capte tous les regards, fascine, hypnotise. Toute l’attention est occupée à savoir qui il est vraiment, ce qu’il mijote, qui sont ses proches, qui seront ses ministres. Une fois le gouvernement nommé, c’est lui qui, par rémanence, capte un peu de lumière. Le second phénomène post-présidentielle irrésistible est celui de la légitimité: maintenant qu’on a désigné un Président, il faut lui donner les moyens de gouverner. Ça a l’air rationnel. En réalité, ça ne l’est pas du tout.
En réalité, c’est totalement irrationnel parce que ni le Président ni son programme n’ont été plébiscités. En réalité, notre système institutionnel sélectionne l’offre politique correspondant à l’idéologie dominante de l’élite. Aujourd’hui, cette idéologie est celle du centre droit. Et Emmanuel Macron était le seul candidat à l’incarner.
L’abstention sanctionne l’essoufflement du régime d’oligarchie élective qui est le nôtre.
C’est le triomphe absolu de la logique gaullienne. Sous couvert de la rencontre providentielle d’un homme et d’un peuple, la sélection de l’offre idéologique dominante se fait indépendamment des partis. En l’occurrence, même malgré eux. L’offre des LR était très à droite, celle du PS, très à gauche. Qu’à cela ne tienne, puisqu’aucun des grands partis de gouvernement traditionnels n’incarnait plus le centre-droit, c’est son candidat, en dépit du fait qu’il soit hors-parti, qui l’emporterait.
D’où l’autre grande illusion: celle du renouveau. Qui s’ancre dans une grande confusion: celle des personnes et des politiques menées. Il suffit de remplacer les personnes pour faire croire à un changement de paradigme politique. Cela n’a pourtant rien à voir. En l’occurrence, le programme proposé par le vainqueur de l’élection présidentielle est celui qui s’inscrit le plus naturellement dans la continuité des politiques menées depuis 30 ans.
Tout cela, les électeurs le savent ou le sentent. Ils sentent que la pantomime démocratique se joue en réalité sans eux. D’où la tentation de l’abstention.
Tout cela, les électeurs le savent ou le sentent. Ils sentent que la pantomime démocratique se joue en réalité sans eux. D’où la tentation de l’abstention. Elle était déjà grande avant la présidentielle. Mais comme tout le système tient sur le mythe de cette élection, on a tout fait pour ramener les gens aux urnes afin de légitimer le monarque républicain. On a ramené les gens aux urnes au premier tour en jouant sur la mauvaise conscience (s’abstenir, c’est être un mauvais citoyen). On a ramené les gens aux urnes au second tour en jouant sur la peur du FN.
Mais aux législatives, tout le monde ayant tellement compris que tout était plié, que les jeux étaient faits, il n’y a même pas eu de propagande anti-abstention. Pas de culpabilisation, pas de peur du FN. L’abstention record du premier tour des législatives n’a donc rien d’étonnant. Elle sanctionne l’essoufflement du régime d’oligarchie élective qui est le nôtre.
Mais à quelque chose malheur est bon: au moins, avec plus de 51% d’abstention et un FN à 14%, il est flagrant que l’abstention ne fait pas le jeu du FN!
Source :© Le 1er tour des législatives a montré combien la Vème République est irrationnelle
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JEAN
Pas du tout d’accord : Macron a été vendu aux français comme une marque de lessive à force de matraquage cérébral des français par les media (écrits, parlés et télévisés, Omo lave plus blanc…) en faveur de Macron et le même matraquage en défaveur de Fillon présenté comme le plus corrompu ( effet de la publicité comparative).
On est donc là en présence d’une technique de marketing.
Marine Le Pen n’a pas su éviter le piège des Journalistes mandatés par les mêmes virtuoses du marketing , parce qu’elle a accepté leur ordre du jour mortifère qu’elle aurait pu rejeter d’un revers de main en présence des millions de téléspectateurs. Même si elle avait eu assez de talent pour une telle parade, le même marketing lui aurait assuré une chambre hostile. CF le sort de Trump.